samedi 17 mai 2008

MiamMiam,Dodo éprouvés sur le Camino Aragones

Somport : Albergue Aysa ; 45 places; pas de cuisine; petit déjeuner; repas; internet ; Tel : 974.373.023 ; aysa.somport@gmail.com

Canfranc Estación : Auberge Pepe Grillo; à l'entrée du village à gauche ce n'est pas une véritable auberge pour pèlerin; mais une petite fonda qui accueille les pèlerins en dortoirs à prix modiques; 58 places; pas de cuisine; ouvert toute l'année; internet ; 974.373.123; http://www.pepitogrillo.com

Canfranc : Auberge Sargantana ; Calle Albareda 19; 90 places; pas de cuisine;; internet ; téléphoner avant 974.372.010 ; http://www.sargantana.info ; refugio@sargantana.info

Jaca : Auberge municipale. dans l’ancien hôpital; Calle Conde Aznar; 32 places; équip. comp; ouvert à 16 h ; internet ; 974.355.758
Hostal Paris : Plza. San Pedro, 5. 22700 Jaca (Huesca) ; Tel: 974 361 020 ; Fax: 974 364 662 ; hostalparisjaca@telefonica.net
Restaurant El Porton : plaza marqués de lacadena ; 974 355 854 ; wwwelportonjaca.com

Santa Cruz de la Seros : Hostal Santa Cruz ; 100 places ; Tél : 974 361 975 : Mobil : 626 050 036 ; www.santacruzdelaseros.com ; reservas@santacruzdelaseros.com

Santa Cilia de Jaca : Auberge municipale; C. del Sol 8 ; clef au bar; resp.: Malte Garcia ; pas de cuisine.; 18 places; 974.377.063 ; http://www.santacilla.es

Arres : Auberge municipale; Auberge gérée par une association jacquaire ; El Portillo ; 22 places; participation libre ; ouvert toute l'année et toute la journée ; 974.348.129 un endroit extraordinaire

Artieda : Auberge municipale; C. Luis Buñuel 10 ; resp. : Raquel Iguacel ; 18 places; pas de cuisine; possibilité de repas; ouvert toute l'année; 1/2 pension possible internet ; 948.439.316 ; http://www.jaca.com/artieda/albergue.htm

Undués de Lerda : Auberge à côté de l'église; Calle Herreria 1 ; 56 places; pas de cuisine ; internet ; 948.888.105 ou 689.488.745

Izco : Auberge San Martin ; C. Mayor ; 14 places ; ouvert toute l'année ; équip. compl.; internet ; 948.362.129 et 948.362.210;

Tiebas : Auberge; Calle La Escuela ; resp.: Jose Maria Flamarique ; ouvert toute l'année et toute la journée ; 974.360.222 et 948.360.344

Eunate : Accueil privée à côté de l'église ; 12 matelas; participation. libre; internet ; 639.772.384

vendredi 18 mai 2007

Somport - Puente la Reina Aout 2007


Première journée : Candanchou/ Canfranc Estacion

Journée typique de la deuxième moitié du mois d’Aout dans les Pyrénées avec une alternance de pluie, de grêle et d'éclaircies. Le col du Somport est dans la grisaille. Nous descendons la voiture à Candantchou du coté versant Espagnol.
Je sais que je vais commencer un nouveau chemin et qu’ici débute l’acceptation. Mais, la grêle qui tombe sur le toit de la galerie marchande, ou nous nous sommes réfugiées, fait un bruit d’enfer et ne m’engage pas sortir marcher.
L’averse une fois calmée, le ciel reste sombre. Quand faut y aller, faut y aller. Je boucle mon sac à dos, j’ajuste mes minis guêtres sur mes vêtements de pluie et nous voilà parties.

Une question surnage à la surface de mon cerveau. Est t‘il vraiment nécessaire de prendre le chemin sous ce déluge ? Myriam, tourne et retourne. La mise en place de son matériel de pluie traine. Depuis deux jours à chaque fois que nous regardons la météo, elle me répète qu’elle n’aime pas commencer une randonnée sous la pluie. Dommage ! Moi non plus, mais je vais faire avec. Et je vais même être heureuse d’être là. D’avoir l’opportunité encore une fois de marcher sur le chemin. Je respire à plein poumon l’air gavé d’humidité et je m’élance !

Le chemin passe dans le bas du village. Village, c’est un bien grand mot. Ce sont des immeubles adossés à la montagne qui servent de station de ski en hiver. L’été ça ne ressemble pas à grand-chose. Un alignement d’immeubles d’architecture « moderne ». Un monde minéral et un monde de béton qui se télescopent. Nous sommes passées devant un refuge qui semblait ouvert, bon présage. Du coup, Candanchou me paraît plus accueillant.

A la sortie, il suffit d’enjamber le torrent de montagne et la route pour retrouver un sentier bien tracé. Le camino suit le torrent Aragon qui prend sa source au Somport. Il cabriole, dégringole entre les cailloux, trace sont chemin dans le paysage et l’anime d’un grondement joyeux. Ici pas de barrage pour calmer ses ardeurs. Il est encore sauvage le rio Aragon et il en profite !

La pluie tout d’abord fine se transforme en grêle. Seulement 8 km nous séparent de Canfranc Estacion. 8km qui vont servirent à tester l’étanchéité de notre matériel. Beau début !
Depuis mon dernier camino, j’ai changé de stratégie pour me protéger de la pluie et mon poncho est resté à la maison. Je le regrette déjà ! Ma veste et mon sur pantalon sont étanches et respirant, mais le sur sac du sac à dos lui ne l’est pas. Pourtant j’ai pris la précaution de lui pulvériser du produit imperméabilisant ! Heureusement pour moi, toutes mes affaires sont emballées sous poches étanche à l’intérieur, mais quand même !

Le vaches, qui sont éparpillées à l’abri des taillis, nous regardent passer, indifférentes. Gênée par la grêle qui n’en fini pas de tomber, je ratte un embranchement. Heureusement les flèches jaunes sont dessinées régulièrement et je prends rapidement conscience de mon erreur. Nous effectuons un demi-tour et nous retrouvons un rythme de descente rapide.

C’est avec satisfaction et soulagement que je vois apparaitre l’entrée de Canfranc Estacion.
Quelques questions aux habitants suffisent pour trouver ce qui tient lieu d’albergue. La chambre est sommaire, mais sèche.

Mon sac à dos est trempé, par contre les sacs de congélation Ziploc, qui contiennent toutes mes affaires, ont parfaitement fonctionnés, tout est sec. Ce n’est pas le cas pour Myriam. Son Camel pack, gourde en plastique, a décidé de se vider dans son sac à dos. Elle à bien utilisé les sacs Ziplocs fournis par mon frère, mais les à mal fermés, son sac de couchage est humide. La morale de l’histoire. Pour l’une, retrouver un poncho et pour l‘autre fermer correctement la gourde et les sacs étanches !

Première tache : les courses. Il est 6.30 et les magasins ferment à 7.00. C’est pour moi, un réel plaisir de se retrouver l’ambiance chaleureuse qui caractérise l’Espagne.
J’achète du lait d’Hortchata et un poncho, Myriam un pantalon de pluie.

La visite de la gare de Canfranc est rapidement faite. J’ai lu des d’articles à son sujet. C’est un lieu mythique : le passage des Pyrénées. Mais je suis déçue. Elle est en mauvais état. Mon imagination l’avait peinte des couleurs de la belle époque, rutilante et somptueuse. Il n’en est rien.

La nuit est calme. Nos vêtements remplissent la chambre d’humidité, mais ils seront secs demain matin.








Deuxième journée : Canfranc Estacion/Jaca

Le petit déjeuné est rapidement avalé. Je discute avec nos voisins de chambré. Deux jeunes Espagnoles qui marchent depuis une semaine sous la pluie, leur moral est en berne. Ils se demandent s’ils ne vont pas renoncer à leurs vacances dans les Pyrénées. Le climat est trop humide à leur gout.

Nous sortons de la ville en suivant la route principale. L’aménagement est bien fait et nous sommes protégés des camions qui déboulent au détoure des virages.

Le chemin suit le Rio Aragon. Le temps est clément, mais les nuages sont menaçants, le ciel est bas. Je profite de l’instant présent avec délectation, consciente que nous allons devoir enfiler nos équipements contre la pluie rapidement. J’apprécie pleinement la marche, pour l’instant je suis heureuse.

Canfranc se réveille à peine quand nous traversons le village. Une halte à l’albergue, qui semble bien sympathique, permet à Myriam de repartir plus légère.

A la sortie du village je trouve une équipe de jeunes volontaires franco/espagnol ; qui, à grand coup de pelles et de pioches, entretiennent le chemin. Je discute un moment. Ils sont contents de leur travail et motivée par leur action. C’est encourageant. Cette jeune génération est heureuse de prendre conscience de la portée du chemin et, à travers le partage de leur journée, ils se rendent compte que les versants Espagnols et Français des Pyrénées ne sont pas si différents. C’est agréable de voir tous ces visages souriants et de sentir l’énergie qui les anime. Ils aiment mélanger leurs deux cultures, ils apprennent le partage. Super initiative. L’année prochaine, promis ils recommenceront !

Je retrouve Myriam sur le Pont des pèlerins. En le traversant, mon imagination galope. Je pense aux milliers de pas qui nous ont précédés. C’est émouvant de se retrouver dans des lieu semblable. Car ici, il y a un seul pont, donc forcément les pèlerins l’empruntaient pour franchir le rio Aragon. Pour moi, il en reste une trace imprégnée dans les vielles pierres du pont.

Le grondement du Rio berce la vallée d’un écho parfois rugissant.
Une cascade, abritée dans son écrin de verdure, m’inspire une halte. Une halte me direz vous ; avec les nuages qui menacent de déverser sur nous des torrents d’eau. Eh oui, je suis sur le chemin. L’important dans l’immédiat c’est de profiter de cet endroit merveilleux. Tout droit sortie d’un conte de fée.
L’eau cristalline et la couleur des galets forment un grand tableau ou des figures se dessinent. La paix qui règne est une invitation à méditer. Je rêve que nous sommes en été, qu’il fait chaud et que je vais me rafraichir grâce à cette eau vivifiante.
C’est un endroit idéal pour un bivouac. Malheureusement les déchets disséminés autour de nous prouvent que d’autre sont passés par ici !
Je prends le temps de penser à tous mes amis du Camino qui sont a présent logés dans le creux de mon cœur, ma famille choisie et tous les autres aussi ; j’aimerais pouvoir leur offrir cet instant de sérénité. Je déguste mon Camino.
La raison voudrait que nous descendions en courant vers Jaca pour éviter la pluie qui va nous rattraper. Mais mon cœur sait que le plus important se trouve ailleurs. Il me faut vivre chaque instant en pleine conscience et en profiter.

Nous marchons à nouveau le long de la route. Myriam qui est partie pour un jolie trek peste un peu d’avoir à marcher sur du Macadam. Je ne dis rien, ce n’est que le début.
Le village de Castillo de Jaca est baigné par la lumière. Sur la place de l’église un banc nous accueille. Mais pas moyen de rentrer dans l’église.
C’est un village divisé en deux. La partie haute est ancienne, colorée par des maisons parfois dans un état de décrépitudes total ou rénovées de façon exceptionnelle. La partie basse est nouvelle, dédiée à l’activité moderne. Je découvre avec ravissement un bar avec une sculpture à l’effigie d’un pèlerin. Le café « con leche » est divin. Mais il faut reprendre la route.
A la sortie du village un artisan ferronnier à exprimé toute la beauté de son art. Nous profitons d‘un fauteuil pour ajuster le laçage de nos chaussures.

La nature est superbe, la végétation est verte même pendant ce mois d’Aout. Un guet ancien nous aide à passer un Rio. D’une pierre à l’autre, les pas s’agrandissent. Je suis sensible à cette harmonie entre un ouvrage ancien fait de main d’homme et la nature dans laquelle il s’intègre. Ici pas de création fantasmagorique, seulement de l’utile, réalisé avec de la pierre, qui s’associe pleinement au cadre. Je suis heureuse à tel point que si j’osai, j’esquisserai un pas de danse.

Nous avons le temps d’arriver jusqu’à un ancien hôpital de pèlerin avant que la pluie ne nous surprennent aux abords de Jaca. Je m’équipe de pieds en cape. Myriam choisie de ne pas utiliser son nouveau pantalon étanche. Des seaux d’eaux se déversent. Pas moyen de se mettre à l’abri. Nous guettons les flèches qui sont inexistantes. Je demande la direction de la Cathédral, sachant que le chemin de l’albergue sera indiqué à partir de ce lieu Saint.

Nous finissons par y arriver, dégoulinantes.
J’entends, avec émotion, une grand-mère expliquer à sa petite fille que nous sommes des pèlerines en route pour Compostelle. Et que, tous les jours, par tous les temps, nous marchons. Je ne peux m’empêcher de me baigner dans le regard admiratif de l’enfant. Un regard qui ma réchauffé. Qui redonne un sens à cet instant ou dégoulinantes nous allons prier dans cette église. Nous sommes fatiguées, il nous reste encore à trouver l’albergue.

Je trouve la première coquille en bronze sur le dallage de la place et suivant ce sentier balisé dans la ville, nous retrouvons notre gite pour la nuit.
L’albergue est moderne, propre, confortable, parfaitement conçue pour répondre à nos besoins : un coin cuisine, des étendoirs pour le linge… Aujourd’hui lessive !

J’apprends qu’il y a, dans l’une des églises de la ville, une bénédiction pour les pèlerins. Je prends soin de faire quelques course avant la cérémonie, je sais par expérience que les magasins ferment tôt et demain nous avons besoin d’un pique nique.
Je trouve l’église par hasard, car en fait, je me dirigeais vers la cathédrale quand j’ai remarqué des habitants convergeant vers cette l’église. Ma curiosité m’a entrainé à l’intérieur. Je suis la seule pèlerine, la communauté me bénie de ses prières.

Je dois à présent planifier la journée de demain ce qui est exceptionnel. Mais je sais que l’étape est longue et je souhaite avoir des renseignements précis. Je m’enquière du chemin auprès de nos accueillantes qui me déconseillent fortement l’itinéraire pour San Juan de La Pena. Tous les arguments y passent : dangereux, pas balisé, chemin de montagne, pas d’eau, peu de village, longueur du trajet. Je comprends leur préoccupation. Il est certes, bien plus facile, de récupérer un pèlerin en perdition sur le bord de la route qu’en plein milieu d’une forêt dense sur le coteau d’une colline. Mais l’une des raisons de mon choix pour ce camino se trouve justement à San Juan de La Pena. Je vais en parler à Myriam, mais je ne vais pas me laisser décourager aussi facilement !

Nous prenons un repas dans un restaurant qui sert des menus pèlerin pas trop tard.
La nuit est calme.










Troisième journée : Jaca/Santa Cilia de Jaca

Le ciel est encore menaçant ce matin. Mais nous partons revigorées par une bonne nuit de sommeil. Le morale est au beau fixe. Myriam emboite le pas à une colonne de soldats. Un deux, un deux c’est le pas cadencé. Ils n’ont pas tous l’air d’apprécier la promenade.
Je traine, attirée par un troupeau de mouton et de chèvres. Les bêtes sont menées par un berger attentif qui prends soin d’arracher les herbes nocives que sont cheptel ne doit pas brouter. Il travail avec son chien qui obéit à la voix, guettant les ordres. Ils sont loin de moi, au milieu d’un champ et se rapprochent m’offrant plus de détails. C’est un tableau vivant, un tableau mouvant. Les agneaux se bousculent, ils tombent et font des galipettes désordonnées. Le troupeau est suivit par un âne bâté, il porte probablement le ravitaillement. Le berger avance. Son bâton l’aide à tracer son chemin. Myriam s’impatiente avec raison. L’étape du jour n’est pas réalisable à pieds, sauf si nous trouvons un hôtel à proximité de San Juan de la Pena. Je dois cesser de musarder.

Nous quittons la route pour nous engager dans le chemin de « montagne ». Le balisage n’est pas impeccable et souvent difficile à repérer. Le sentier, n’est pas entretenu, envahit par des herbes folles. C’est un chemin raviné par la pluie avec des broussailles qui nous repoussent. Mais il est suffisamment fréquenté pour que les traces de passage restent visibles. Je prends les devant et c’est avec délice que je grimpe dans le sous bois sauvage.
De temps en temps, une trouée dans les arbres, me permet d’apercevoir Jaca dont je m’éloigne. Mon corps se réjouit de monter dans cette nature intacte. Je fais halte au sommet d’une des collines pour reprendre des forces et manger.

Nous entamons une descente, cette fois c’est Myriam qui prend la tête. Le tapis de feuilles mortes craque sous mes pieds. Je me rends compte que la trace que nous suivons n’est plus la bonne. Tours et détours et nous revoilà sur le bon chemin !

Le vallon qui s’étale à présent devant moi est digne d’une peinture. La palette couleurs contient toutes les teintes d’ocre, mais aussi les verts du plus tendre au plus soutenu. J’ai perdu Myriam, elle est loin devant. Je n’ai plus qu’à espérer que nous suivons les mêmes sentes.

C’est avec soulagement que je la retrouve plus loin. Le chemin qui fut aménagé, construit de main d’homme, disparait à présent, sous les éboulements. Je réalise mieux ce que l’hospitalera d’hier nous expliquait. Effectivement, le chemin n’est pas facile à suivre !

Nous arrivons dans le village d’Atarès. La fontaine nous fournit l’eau qui commençait à manquer. L’église du village est hermétiquement fermée. Je songe un instant à réclamer son ouverture. Quelqu’un sur la place doit savoir qui garde la clé. Mais non, aujourd’hui nous sommes poursuivies par les kilomètres à parcourir.

Un groupe de jeunes espagnols nous dépassent. Ils avancent allègrement ne portant pas de sac à dos. Ils irradient cette énergie cristalline de la jeunesse. Ils font un pèlerinage et sont heureux d’être là, même si pour certains cette promenade est un réel effort physique. La bonne humeur domine les petits groupes qui chemine.

Le Camino est somptueux, suite de vallées et de colline. Je m’installe dans un canyon sur un promontoire un peu étroit pour manger.
Mon repas terminé je sieste, puis discute avec un couple d’Espagnols : échange de salutations et d’appréciations sur le camino.
Il est temps de repartir. Je grimpe avec bonheur le sentier qui me semble familier. Tout va bien : les pieds n’ont pas d’ampoules, les rotules ne souffrent pas, le poids du sac à dos ne se fait pas sentir et je sais pourquoi ! Ce paysage idyllique ressemble à mon bout de Pyrénées tellement aimé que mon corps est pleinement heureux de le parcourir. Au détour d’une courbe, je découvre un panorama exceptionnel. Je m’arrête pour méditer, communier avec le calme et la paix qui règnent en ce lieu.

Une petite pluie fine se met à tomber. J’allonge le pas, je n’ai pas envie d’enfiler mon poncho.
Le macadam fait place au sentier. Je trouve une grotte en lisière de la route et me met à l’abri.

Nous trouvons le nouveau sanctuaire et le musée plus loin sur la route. Reste à descendre jusqu’au monastère ancien !
Je sais que, plus je suis fatiguée, plus je dois être vigilante concernant ma sécurité et économiser au maximum mes efforts. Je sais qu’il existe un sentier pour les piétons, mais je ne le distingue pas sous cette pluie battante. Donc je prends la route qui elle va obligatoirement au sanctuaire. Raisonnement simple d’un esprit fatigué qui maintenant se méfie de ses propres prises de décision.
De lacet en lacet nous descendons pour découvrir la merveille.
Nichée au creux du roc, les piliers du cloitre se détachent. J’en avais rêvé, la réalité est au delà.
J’ai la gorge nouée par l’émotion. Mon corps est transit par le froid qui pénètre, mais mon cœur est réchauffé par l’atmosphère qui se dégage de cet endroit.

Que dire de la visite ?
C’est un endroit qui invite au recueillement et la méditation.
Un endroit de paix et de communion.
Un endroit ou le passage des ans et des âmes à lassé des traces.
Un endroit qui ne laisse pas indifférent.

J’ai survolé l’historique mis à notre disposition et je me suis laissée imprégnée par l’atmosphère.

Parenthèse concernant l’historique du site :
Le Monastère de San Juan de la Peña est considéré comme un monument sacré où furent fixées les bases de ce qui allait constituer l’Aragon.Suite à l’invasion musulmane, vers 720, des ermites se retirèrent dans ce coin reculé des Pyrénées pour y fonder un ermitage qui dura jusqu’au X ème siècle. En l’an 920, Galindo Aznárez II, comte d’Aragon, partit à la conquête des terres allant du sud de l’Aragon à la Sierra de San Juan de la Peña, où il fonda un monastère consacré à San Julián et à Santa Basilisa. L’église mozarabe fut dressée sur le site de l’ermitage.Sur ce monastère, Sancho el Mayor de Navarra, créa celui de San Juan de la Peña. Il annexa de nombreux territoires et commença la construction de l’Eglise Haute. En 1071, la célébration en Espagne de l’ancien rite hispano-wisigothique est remplacée par le rite de l’Eglise romane. Aux XII ème et XIII ème siècles, le monastère subit une certaine décadence à cause des procès contre les archevêchés voisins qui amoindrissent son patrimoine. En 1245, un accord qui procure une longue période de paix. En 1675, un incendie détruit le réfectoire, les chambres et les archives du monastère. Il brûle trois jours durant. La construction d’un Nouveau Monastère est alors projetée. Le Monastère de San Juan de la Peña fut une halte sur le Chemin Aragonais menant à Saint-Jacques-de-Compostelle. La tradition dit qu’au Moyen-âge, de nombreux pèlerins arrivaient à San Juan de la Peña pour admirer sa relique la plus importante : son précieux et disputé Saint Graal. On dit qu’après avoir été amené sur ces terres de Huesca par San Lorenzo, le Calice commença un pèlerinage dans les différents sites religieux des Pyrénées, en raison du danger que représentait une présence musulmane notable.

De la légende à la réalité, les parois qui abritent le site pourraient nous raconter la part de vérité source de la légende.

J’aurais voulu pourvoir dormir sur place. Mais, malheureusement ou fort heureusement, il n’y à pas d’hôtel ! Ils sont dans le village suivant qui se trouve à une heure de marche en descendant. Je vérifie deux fois le panneau de signalisation. Toujours consciente de la fatigue de mon organisme, la prudence m’amène à cette double vérification.
Nous nous engageons sur le sentier. De tergiversations en hésitations nous empruntons une sente qui disparait bientôt et nous nous retrouvons sous des trombes d’eaux face à des à-pics dangereux. Je décide de revenir jusqu’au sanctuaire et d’envisager une autre solution que la marche pour descendre.

De retour sur la route principale, je constate que le panneau indicateur marque bien le nom du village. Il suffisait d’avoir confiance et de suivre le chemin principal au lieu de bifurquer dans une voie interdite.

Je tente en Espagnol de nous trouver une voiture qui accepte de nous descendre. Description de la scène, je dégouline de pluie et je demande que l’on veille bien nous prendre à bord d’une voiture bien propre et bien sèche. Qui osera nous accorder de salir sa banquette arrière !
Je tremble de froid et de fatigue. Tout à coup je repère le van du groupe de Français. Ils sont entrain d’embarquer. J’interpelle le guide lui expliquant brièvement la situation. Il accepte de nous déposer sur la route à 3 kilomètres de notre destination. J’embarque dans le van aidée par les randonneurs quand je réalise que Myriam n’est pas là. Je ressorts pour la chercher. Le van nous a attendus. Les randonneurs me mitraillent de questions.
La joyeuse équipe nous dépose devant leur hôtel.
Le Camino passe derrière l’hôtel. Je retrouve le sourire. Je suis heureuse la pluie a cessé. San Juan de la Pena a laissé en moi une empreinte indélébile.

Nous arrivons à Santa Cilia de Jaca. Un thé chaud et des biscuits nous sont offerts en guise d’accueil par de jeunes Tchèques qui font le chemin. Ils sont encadrés par un prêtre.
Nous décidons de manger en compagnie des Espagnols qui nous invitent. L’une d’elle se propose pour nous accompagner jusqu’au magasin pour faire quelques emplettes et participer ainsi à la confection du repas. Je lui emboite le pas. Une petite tienda me permet d’assurer un ravitaillement minimum.

Le soleil couchant accompagne ma méditation.

L’équipe espagnol est joyeuse, le vin coule à flot, les conversations sont animées. La soupe est délicieuse et la compagnie agréable. Je discute avec un couple de Français qui est sur le chemin du retour. Ils me recommandent chaudement de faire un détour par Arrès.
La nuit porte conseil.










Quatrième jour : Santa Cilia de Jaca/ Arrès

Je sors au lever du soleil pour profiter des premiers rayons du soleil et de la tranquillité du village encore endormi. La lumière est belle, je ne résiste pas à sortir mon appareil photo. Je goute le plaisir intense d’aller à mon rythme, de chercher l’angle de vue qui correspond à ma vision, de tourner, de prendre mon temps pour apprécier pleinement cet instant. Je suis heureuse tout simplement.
Puis, je retourne à l‘albergue pour récupérer mon sac et Myriam.

Nous trouvons dans la rue voisine un bar ouvert pour déguster un café con leche. Ragaillardies par cette boisson chaude nous prenons le chemin. Au bout d’une heure de marche, nous bifurquons vers Puente de la Reina de Jaca. Nous traversons un sous bois ou des exvotos ont été disposés. Ce sont des sortes de monticules de pierres qui jalonnent parfois le chemin. Traces visibles du passage des pèlerins.

Je fais un détour par Puente de la Reina de Jaca. J’achète une empenada au thon et des madeleines dans une panaderia. La boulangère va remplir ma gourde d’eau fraiche dans l’arrière boutique.

La montée vers Arrès est superbe.
Arrès, c’est un nom qui résonne bien dans ma tête.
Marie Thérèse et Moira m’accueillent à l’albergue du village. Elles sont en compagnie de deux espagnols avec qui j’ai partagé la table hier soir. Ils mangent de bon appétit. Le village est tranquille, je suis bercée par la conversation en espagnol.
L’équipe tchèque débarque et se voie offrir des gâteaux et un détour pour une visite du point de vue qui embrasse la vallée du rio Aragon.
Tout le monde repart et je profite de cet instant de tête à tête avec mes hôtesses pour faire mieux connaissance.
Marie Thérèse est Française et Moira est Italienne. Dans un grand éclat de rire nous constatons que nous discutons en espagnol depuis une heure. Moira aime parler Français et nous devisons agréablement. L’après midi s’écoule doucement au rythme de la lessive, d’une ballade dans le village, d’une méditation sous l‘œil vigilant des chats du voisinage. Nous visitons l’ermitage qui se trouve au bout du village. Myriam et Moira nous régalent de leurs voix. Instant magique dans ce lieu rempli de chants.

Les pèlerins arrivent à l‘albergue : espagnols, français, allemands…Chacun est accueillit comme s’il était unique. Nos hôtesses courent en tout sens pour nous préparer un nid douillé et un repas copieux. En ce lieu, la nuit, le repas et le petit déjeuner sont offerts, à chacun de faire un don selon ses moyens. Nous visitons la petite église du village qui recèle des richesses insoupçonnées. Je profite du couché de soleil sur la vallée ou coule l’Aragon, c’est somptueux.
Je visite une deuxième fois l’ermitage et demande à y dormir. Moira m’accompagne pour ouvrir la porte et j’installe mon matelas dans un coin. J’ai pris une couverture avec mon sac de couchage je n’aurais pas froid. J’aime cet endroit dans lequel je suis seule. Il se dégage de ses vieux murs une sérénité qui m’envahit. Je me réveille dans la nuit pour constater qu’il pleut au dehors et que moi je suis bien à l’abri sous cette voute. Le vent souffle contre les murs qui me protègent. Je me rendors rassurée. Une sensation de sécurité bien callée au fond de mon cœur. Les angoisses ont disparues, les peurs aussi. Je suis sur mon chemin. Merci.






Cinquième jour : Arrès/Artieda

Un rayon de lumière, qui s’infiltre à travers un carreau, me sort de mes rêves. Dehors, le soleil n’est pas encore là. Dans l’aube blafarde, je devine une masse brumeuse et opaque qui m‘entoure. Les contours des premières maisons du village sont à peine visibles. Je fais mon sac à dos en un tour de main. Je voudrais voir le lever de soleil au dessus de la vallée du rio Aragon qui se trouve de l’autre coté du village. Mais voilà, le spectacle est tellement extraordinaire autour de moi que tous les dix pas je m’arrête. La brume dévoile un paysage toujours changeant. Une toile d’araignée scintille de rosée, la brume vaporeuse m’entoure de coton, les sons me parviennent étouffés. Je goute avec volupté cet instant magique ou la nature s’éveille. Sérénité, décidément ce sentiment est à l’ordre du jour.

Je fini par poser mon sac devant le refuge pour continuer, armée de mon appareil photo, vers le point de vue qui domine la vallée. C’est une fête, un feu d’artifice. Je comprends pleinement le rêve de Marie Thérèse de revenir dans ce village pour aider les pèlerins. C’est un endroit magique, un village de 20 habitants accroché à sa colline qui mérite le détour. Je sais déjà que je vais avoir le cœur gros de partir. L’histoire de Marie Hélène est superbe. Ayant parcouru le chemin jusqu'à Compostelle et parlant espagnol, elle a souhaité devenir à son tour hospitalière sur le camino. « Pour rendre au camino ce qu’il m’a donné » dit-elle. Elle a donc suivit un stage et postulé pour un village tranquille. Le choix qui est donné, ne permet pas de désigner une ville ou un village, mais seulement de préciser vos désidératas concernant une grande ville passante, ou un village plus retiré. Elle espérait secrètement que ce village serait Arrès. La réponse que lui apporta le courrier est incroyable, c’est exactement là qu’elle a été envoyée !

Je prends mon petit déjeuner la dernière. Mes madeleines achetées hier ont ravis les palais, Marie Hélène en a sauvegardé quelques unes pour moi.
Je pars en même temps que Dirk, Flavio et Andres. Nous prenons le temps de faire des photos sur la terrasse du refuge. Nous avons du mal à nous séparer de nos hôtesses. Andres me tiens compagnie dans la première descente. Il souffre de sa jambe ce matin, mais je ne doute pas de le voir partir au même rythme que ses compagnons tout à l’heure.
Le camino est un enchantement de plus en plus désert. A présent je suis seule et je n’ai pas regarnit ma gourde. Mon gosier commence sérieusement à s’assécher. Des flaques d’eau sont les seules sources d’approvisionnement. Le lit de la rivière, que je traverse, est à sec.
La piste que je suis est rouge d’une terre ocre. Je débouche sur une route, enfin du macadam ! Peut être le signe d’un village bientôt ou d’une maison ! Mon corps me réclame de l’eau. Une maison se dessine au bord de la route. Au moment où j’arrive à hauteur du porche, deux enfants débouchent sur la route. Le petit garçon me dit« Quieres aqua fresca peregrina ? », si je souhaite de l’eau fraiche. Bien sure ! Et me voilà escortée par Tonio et Isabella sous le préau de la maison. Tonio va chercher son grand père. Qui, un large sourire inscrit sur son visage, m’invite à me reposer. Je m‘assoie dans la fraicheur bienfaisante, sous l’œil curieux des deux enfants. Le grand père m’offre de l’eau fraiche et une pomme. Il m’explique que suivant la tradition, n’ayant pas pu effectuer lui même le pèlerinage, il a payé quelqu’un pour aller à Compostelle à sa place, et m’exhibe le bâton de pèlerin témoin du chemin parcouru.
Tonio et Isabella tournent autour de mon sac à dos, intrigués par tous les éléments qui en dépassent : la pipette, le matelas, mais aussi tous les insignes qui sont accrochés.
C’est réconfortant, quand le besoin s’en fait sentir, de savoir que des êtres humains sont là pour soutenir ma pérégrination, valoriser ma démarche et me permettre de repartir. J’avoue que c’est agréable de voir l’envie dans le regard de cet homme. Cela me permet de mesurer la chance que j’ai de pouvoir à nouveau marcher sur le camino. Parfois, je me demande si ce qui me fait marcher, si ce n’est pas uniquement cette l’orgueil que je ressens à être considérer comme une pèlerine.
Indéniablement il y a certainement un peu de cela, c’est agréable d’être reconnue pour ce qu‘on accompli. Mais ce n’est pas suffisant comme support pour marcher, quand on à soif, chaud ou mal aux genoux et que la solitude pèse de tout son poids. Quelque chose de plus fort me porte.
J’ai lu dans le regard de cet homme la satisfaction quand il regardait les deux enfants. Il est fier de sa descendance. C’était peut être, ce jour là, la mission que nous avions à remplir. Lui d’offrir et moi de recevoir, pour illustrer aux yeux des enfants, un brin d’humanité. Une porte qui s’ouvre à l’étranger qui passe. Une tradition dont j’ai bénéficié chez les bédouins de Jordanie. Qui se perpétue encore en Europe. L’humanité serait elle semblable sur toute la surface du globe ?
Je repars ravigotée par cette rencontre.

Les heures s’égrènent sur la terrasse de l’albergue qui est un monument historique. Confortable et propre elle est tenue par les personnes qui s’occupent du restaurant bar qui est attenant. Seul endroit où l’on peut se restaurer. Il y a un autre bar dans le village qui est ouvert quand les habitants en ont besoin.
En fin d’après midi, Rosa, une jeune kinésithérapeute commence à exercer son métier et à apaiser les douleurs de chacun. Andres a mal aux genoux, elle lui montre des étirements. L’entre aide commence : qui donne un pansement, qui offre sa crème pour soulager. Echange de trucs entre pèlerins pour aider à faire passer les petits « bobo » du jour.
Une équipe de joyeux drilles originaires de Logrono m’offrent un verre d’une spécialité locale dans le bar du patelin. Elle est forte la spécialité, l‘alcool va aider mes muscles à récupérer !
Après cet intermède très couleur local, nous errons de maison en maison pour trouver la clé de l‘église. Qui normalement est ouverte à 19 h ! Xavier déploie des trésors de diplomatie auprès des habitants et nous pouvons enfin visiter cette belle église. En fait, grâce à ma petite connaissance de la langue, j’ai compris qu’il y a anguille sous roche. Le détenteur de la précieuse clé de l’église est en bisbille avec les aubergistes qui tiennent la pension. Donc les pèlerins écopent.
En tous les cas, Flavio, Rosa, Dirk, Xavier, Montse, Marie, Shara, Jesus et moi-même avons bien profité de cette visite.
Le diner du soir a été animé. Notre coté de table rassemble un couple allemand, une hollandaise, Marie, une catalane, Rosa et moi. La discussion tourne autour des oiseaux. L’échange se fait à l’aide, de dessins, de mimes, de sifflements et surtout de grands d’éclats de rire. Nous finissons la soirée tous ensemble autour d’une liqueur d’herbes.








Sixième jour : Artieda/Unduès

Mon petit déjeuner se compose de figues grappillées dans le village. Rien n’est ouvert de bon matin. J’aval, un jus d’orange et je mange des madeleines face à un paysage à couper le souffle, c’est décidément un très beau village.
Je sors d’Artieda par la route pour trouver bientôt le croisement de la piste du camino qui est bien indiqué. Rosa est là, ses pieds la font souffrir. Elle a parcouru hier 40 kilomètres d’un seul trait depuis Jaca. Certes, elle est kinésithérapeute et en excellente condition physique, mais le poids de son sac a pesé bien lourd sur son exploit d’hier : ses pieds sont pleins d’ampoules.
Elle me demande si nous pouvons cheminer ensemble. C’est avec plaisir que j’accepte, tout en lui soulignant que je suis l‘escargot du chemin et que je prends tout mon temps pour avancer. Certes parce que mes genoux me l’imposent, mais de plus en plus car j’apprécie un rythme tranquille qui me permet de m‘arrêter, de regarder, d’apprécier chaque instant de mon chemin. Elle insiste, aujourd’hui, elle aimerait de la compagnie et quelque part je m’en réjouis.
Nous cheminons tranquillement à mon rythme. Aux environs de l’Embalse de Yesa Andres et Flavio nous rattrapent avançant d’un pas rapide. Les conseils de Rosa ont fait merveille, Andres est tout fringant. Rosa leur emboite le pas. Je me laisse entrainer sur un kilomètre. Mais bien vite, mes genoux me rappellent à l‘ordre. Je dois prendre le temps de regarder ou je pose mes pieds pour épargner un effort trop important à mes genoux.
Rosa m’attend, elle laisse partir les garçons et notre conversation reprend. Nous trouvons un petit mot sur le chemin. Le couple allemand a laissé un message à l’intension de Marie pour qu’elle écoute de chant d’un oiseau rare dont ils ont parlés hier soir. Nous écoutons. Effectivement l’oiseau émet des claquements très spécifiques.

Malgré mon espagnol parfois hésitant, nous avons une conversation passionnante. Notre complicité a été immédiate et elle ne se dément pas après plusieurs heures de conversation à bâton rompu. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas ! Hier, j’avais besoin de réfléchir seule, aujourd’hui j’ai grand plaisir à confronter mes idées avec quelqu’un de si riche.
Quel bonheur de marcher sur le camino !
Tout à notre conversation nous oublions de bifurquer à Ruesta. Nous sommes sur la route goudronnée, mais il n’y a plus de flèche. Nous sentons que nous ne sommes plus sur le chemin, mais ou est-il ?
J’arrête une voiture, les occupants ne sont pas de la région, mais ils ont une carte. Ils s’empressent de nous la déplier. Cela n’est pas tellement plus éclairant. Mais je sais que nous venons de dépasser un panneau qui indiquait un camping donnant sur l’Embalse et je sais également que sur le camino nous sommes censé passer tout près d‘un camping. Avec un peu de chance, il s’agit du même.
Rosa me demande de prolonger la pause. Elle se déchausse et c’est avec stupéfaction que je découvre l’état de ses pieds. Il n’est pas possible qu’elle remette ses tennis.
La chance est décidément avec nous. Elle chausse la même pointure que moi et j’ai dans mon sac mes nues pieds Salomon, avec une semelle spécifique pour la marche, un maillage à l’avant qui empêche les cailloux de rentrer et à l’arrière du pied une simple lanière de serrage. Elle les enfile et nous voilà repartie dans la fournaise. En suivant la direction que nous indique notre instinct. La piste est agréable, la terre souple sous nos pas et nous trouvons une flèche jaune pas loin !
Tout va pour le mieux. Nous partageons nos provisions et notre eau. Le lac de l’embalse scintille entre les branches des pins, une odeur forte de sève imprègne l’air surchauffé. De halte ombragée en halte ombragée, nous gagnons les hauteurs pour faire face à un paysage ouvert qui s’étend à l’infinie sous nos pieds.
Plus un arbre en vue, mais comme pour répondre à notre appel quelques nuages nous offrent parfois leur ombre rafraichissante.
L’arrivée sur le village d’Unduès est superbe. Une descente par un sentier qui devient, à l’abord du village, une voie romaine. Rosa traine de plus en plus la patte et c’est avec soulagement qu’elle voit arriver la fin de cette étape.
Nous montons dan le village aux rues désertes. Nous nous arrêtons au bar pour demander des renseignements concernant l‘albergue. Elle n’est pas loin, des pèlerins y sont déjà installés. Peut être nos compagnons d’hier soir ?
C’est encore une albergue installée dans un monument historique, un hôtel particulier du XVI ème siècle restauré. Propre, confortable, correspondant exactement à nos besoins. Toujours pas d’épicerie dans ce village. Donc la, bière et le repas seront pris dans le bar du coin. Les sacs à dos déjà en place dans l’albergue ne sont pas ceux de nos compagnons d’hier. Rosa se repose et je fais un tour rapide du village. Je déguste une bière lorsque je vois débarquer Dirk, puis Marie suivit par Xavier, Sarah, Flavio, Andres et Montse sous nos applaudissements. L’effort a été particulièrement rude pour elle. Il fait très chaud maintenant, il est 4 h de l’après midi et soleil cogne fort depuis plus de deux heures. Ils se sont arrêtés à Ruesta et ont déjeuné copieusement avant de reprendre la route. Cela ne les empêche pas de repartir après avoir soufflé une heure et tenté de nous entrainer dans leur sillage jusqu’à Sanguesa. Pour moi c’est hors de question, plus de 10 kilomètres à faire par cette chaleur, je ne veux pas imposer ce mauvais traitement à mon corps. Même si je suis déçue de ne pas passer la soirée avec cette super équipe. La pression monte également du coté de Rosa. Les garçons tentent del la faire changer d’avis et je l’invite à les suivre. Car nous savons tous que demain, ils marcheront une étape « normale » et que Rosa et moi ne serons pas en mesure de les rattraper. Ils nous quittent, non sans des grandes embrassades. Je prends deux heures avant le repas pour faire le tour de l’ensemble des belles maisons du village et les photographier.La nuit est douce et calme nous avons un super dortoir de 4 lits pour nous deux.









Sieptième jour : Unduès/Izco

Départ à l’aube pour tenter de rattraper les 10 Km de retard que nous avons sur nos amis espagnols ! Nous arrivons sans encombre à Sangüesa. Pour nous trouver face à face avec Pierre qui cherche une pharmacie. Son fils souffre d’une insolation. Rosa sort son matériel de soin. Elle guide Pierre dans l’achat d’un remède. Il repart, soulagé, soigner son fils. Ils iront en taxi à Izco. De notre coté nous faisons la tournée des pharmacies pour trouver le bon Elastoplaste et les Compeed qui vont bien !
Puis nous dégustons un succulent petit déjeuner. A la sortie du village, le porche de l’église nous abrite un instant du soleil. Le temps que des touristes nous mitraillent avec leurs appareils photos. Rosa s’accorde à mon pas d’escargot et nous repartons.

Nous cherchons longtemps à Lièdena les gorges de Foz de Lumbier. C’est en dehors du chemin, il faut franchir le rio Aragon et prendre à main gauche dans le village.
Nous avons demandé à plusieurs espagnols qui nous renvoyaient systématiquement sur le camino. Alors que Rosa parle parfaitement espagnol ! Ne vous laissez pas faire car ce que nous avons vu est tout simplement fabuleux !
C’est un canyon dont l’accès et la sortie se font par des tunnels, il est bien de prévoir une lampe à portée de main, mais pas indispensable !
L’eau du Rio est d’un bleu, mais d’un bleu indescriptible. Les falaises plongent à pic. Les vautours tournoient au dessus de nos têtes. C’est ici que je voudrais bivouaquer. C’est comme dans un film, une vallée secrète, préservée.
Les habitants se la gardent précieusement. Pour retrouver le camino pas de problème, il suffit de garder le cap sur Izco.
Nous ne nous attardons pas car nous avons une journée ambitieuse aujourd’hui. Quelques 30 km à parcourir. Même à ce régime, nous n’arriverons pas à faire la connexion avec nos amis. Les villages se succèdent. La fatigue se fait sentir, mais n’entame pas notre bonne humeur.
Tout à coup, le téléphone de Rosa sonne. Nous sommes en pleine montée particulièrement pénible sur du macadam.
Fabio et Andres sont retournés en bus au col du Somport pour récupérer leur voiture. Ils nous annoncent que tout le groupe nous attend à Izco. Qu’ils vont faire des courses et revenir avec le chargement pour préparer une fête d’anniversaire en l’honneur de Dirk ! Nous repartons le cœur plus léger, vers cet objectif alléchant.
Je me repose sur la force mentale de Rosa. En suivant ses pas pour les derniers km qui sont difficiles pour moi.
Le refuge, petit, est déjà plein. Mais nous dormirons par terre sur des matelas. En fait, j’en suis heureuse, car le dortoir étroit ne m’enthousiasme pas.
Myriam est là, elle m’annonce que ce soir nous allons fêter l’anniversaire de Dirk et qu’elle compte participer.
Mon niveau d’énergie est bas et je n’ai rien mangé depuis ce matin. Malheureusement sur place il n’y à rien à acheter, pas de boutique ! J’attendrais que les garçons reviennent avec les courses. Qui dort dîne, donc je vais faire une sieste. Puis une ballade dans le village. Je souhaiterais chanter dans l’église. Mais quand je la trouve, elle est verrouillée. Un habitant m’explique qu’elle n’est pas ouverte pour les pèlerins, uniquement à l’occasion des messes. Mais un petit quart d’heure de patience me permet de constater qu’un ouvrier ouvre la porte. J’en profite pour avertir mes amis pèlerins et nous visitons l’église ensemble.
Une prière, une chanson : que de bonheurs.
La soirée s’étire en longueur. Les garçons arrivent à onze heure le coffre rempli de provisions, de quoi préparer un festin ! D’un coup de baguette magique, Sarah devient chef de cuisine et le reste de la troupe est transformée en marmitons.
Le repas d’anniversaire est prêt. Dirk est ému, cette équipe lui a confectionné un vrai festin pour célébrer son jour anniversaire. Toutes ses personnes, qu’il ne connaissait pas deux jours avant, se sont organisées pour qu’il fête son anniversaire comme il se doit.
Myriam est partie au lit depuis bien longtemps. Nos camino n’ont rien à voir, même si nous marchons au même moment dans les mêmes lieux. A 3 h du matin, l’idée d’aller au lit nous traverse l’esprit !





Huitième étape : Izco/Tiebas

Le réveil est difficile. Dans notre dortoir, improvisé dans la salle à manger, le silence règne encore à 9 h du matin. Nous allons nous faire vider par la personne qui vient faire le ménage.
Je me charge d’une partie des provisions qui restent de notre festin. Le poids supplémentaire et le manque de sommeil pèsent lourdement aujourd’hui.
Mais Rosa qui a passé la nuit à discuter avance encore moins facilement que moi. A l’entrée d’un village nous croisons deux habitants qui récoltent des figues. Ils nous en offrent. Ce gout unique, me rappel la maison. Nostalgie. Nous rattrapons le reste de l’équipe dans un café à Abinzano. Ils viennent de pique niquer. Xavier se charge de porter le surpoids de nourriture que j’ai dans mon sac.
J’avance à mon rythme, montées, descentes. Mais aujourd’hui les KM comptent double. Régulièrement me compagnons m’attendent. Nous partageons un gâteau et une gorgée d’eau. Rosa et Flavio, sentant ma difficulté à avancer, m’encadrent. L’un devant, l’autre derrière, j’utilise leur énergie pour avancer. En vu de Tiebas, mon attention se relâche et ma cheville fait un twist ! Mais bon, tant qu’elle est chaude, je peux marcher. Rosa souhaite regarder, mais je ne veux pas me déchausser de peur de ne pouvoir réenfiler ma chaussure. L’arrivée à Tiebas se fait en claudiquant.
Toujours pas de magasin ouvert dans ce village. Tout juste l’adresse d’un particulier ou l’on peut trouver du pain. Nous décidons de mettre en commun ce qui se trouve dans nos sacs à dos pour prendre un dernier repas ensemble avant l’arrivée à Puente la Reina qui se fait demain. Notre petite communauté aura du mal à se reformer dans la cohue du camino Frances.
Je fais un tour à la piscine en bas du village et offre une tournée de bière. En remontant Sarah propose à nouveau de cuisiner, mais impossible sans huile d’olive !
Alors je sors dans la rue pour en trouver. La première personne à qui je m’adresse satisfait immédiatement à ma demande. Me voilà de retour à l’albergue avec une bonne portion d’huile d’olive.
Ce soir là nous partageons le pain, le vin et les provisions dans de grands éclats de rire. Je dors à nouveau sur un matelas au sol dans une salle de classe. Mais quand on est fatigué, pas de problème pour dormir !


Neuvième étape : Tiebas/Eunate

Le réveil est difficile, ma cheville me fait mal. J’attends sans bouger que Rosa qui dors à quelques matelas de moi se réveil. Ce matin, la flexion du pied est douloureuse, une grosse bosse à enflée sur le coté ! Rosa prends les choses en main, c’est le cas de dire. Un twist, deux twist et hop le tour est joué ! Grace à ses mains talentueuses, je peux marcher. Mon pied reste sensible, mais l’appuie est bon.
Je marche avec Andres, Rosa et Flavio ne sont pas loin. Nous nous arrêtons dans une charmante auberge à Biurrum pour prendre le petit déjeuner. Nous reprenons la marche, Andres est un compagnon de marche passionnant.
Soudain, les kilomètres s’effacent, Eunate est là.
Je n’y crois pas, il est à peine midi et nous sommes en vue du sanctuaire de Santa Maria de Eunate.
Mon deuxième souhait va pouvoir se réaliser : dormir dans le refuge privé qui jouxte l’église. Flavio, Rosa et moi restons sous les arcades qui entourent l‘église. Andres, qui rêve d’une douche, poursuit.
Au soleil, nous lézardons, content d’être encore ensemble et conscient que la séparation est proche. Nous partageons nos provisions : Pan con Pan (du pain avec du pain).
L’après midi est entrecoupé de siestes et de rires. Car depuis trois jours, c’est l’émotion qui domine, la joie, le rire, le bonheur d’être ensemble et de partager la vie.
Mes amis ne me quittent pas reculant l’échéance de la séparation. Je leur avais annoncé ce matin que je n’allais avec eux jusqu’à Puente la Reina. Que j’avais un rendez vous avec le sanctuaire d’Eunate.
De l’après midi, le refuge ne s’est pas ouvert, mais cela ne me perturbe pas. Je sais que ce qui doit m’être donné, le sera. Je vie avec bonheur le moment présent. Les touristes et les autres pèlerins nous tournent autour, mais nous sommes seuls au monde. Ces instants de vie nous sont réservés.
A 18 h, je vais voir deux personnes qui semblent ouvrir l’albergue. En fait ils m’expliquent que l’albergue est fermée pour trois jours en raison de travaux de réfection.
J’attendais de dormir dans ce lieu depuis que Maurice m’a raconté, il y a deux ans de cela, l’expérience qu’il a vécue dans ce lieu, à l’occasion de son anniversaire.
Mon sentiment est mêlé. Je suis à la fois déçue de ne pouvoir dormir là et en même temps heureuse de rester avec mes deux compagnons plus longtemps.
Je retourne vers eux pour leur annoncer la nouvelle. Leur réaction me prend de court.
Ils me regardent en souriant tous les deux et me demandent à plusieurs reprises si je souhaite dormir ici. Je leur réexplique que l’albergue est fermée et que je suis heureuse à l’idée de ne pas me séparer d’eux et de poursuivre jusqu’à Puente la Reina.
Ils me poussent à reformuler le vœu que j’ai fait ce matin : dormir à Eunate. Ils me disent que ce soir je vais dormir ici. Ils mettent au point un plan.
Flavio va en ville avec une des voitures de touriste, fait des courses et revient. Puis nous organiserons un bivouac avec les moyens du bord, sachant que Flavio n’a pas de sac de couchage !
Je sais que Flavio a aussi une autre idée derrière la tête. C’est aujourd’hui la Santa Rosa et pour les Catalans le jour de la fête du Saint est presque plus important que le jour anniversaire. Il compte donc nous ramener de quoi festoyer.
Je vois bien qu’ils sont heureux du plan qu’ils ont concocté et j’accepte avec bonheur leur proposition.
Flavio part donc au ravitaillement. Pendant ce temps nous nous occupons des ampoules de Rosa qui guérissent mais la font encore souffrir.
Avant la tombée de la nuit, Flavio revient porteur d’un festin que nous engloutissons. Le ciel est menaçant, des éclaires traversent les nuages environnant. Mais Rosa nous affirme, avec aplomb, une météo sans pluie pour la nuit.
Nous franchissons le mur d’enceinte du site avec tout notre bardât. Flavio, qui est architecte, rassemble tout notre matériel (poncho, couverture de survie, matelas, sac de couchage, bâtons, ficelle…). Il met une heure à nous fabriquer une super structure, étanche en dessous, amovible dessus (pour voir les étoiles), cernée par nos sacs à dos (rempart contre le vent). Bref un palais sous un ciel parfois étoilé. La fabrication, à la lumière de nos lampes, est ponctuée de grands éclats de rire. A l’hôtel mille étoiles, je passe une nuit de rêve.


Dixième étape Eunate/Puente la Reina

L’aube me réveille. Le ciel à tenu sa promesse : nuit sans pluie. La brume se lève, le soleil aussi. J’examine en détail les chapiteaux et la décoration des arcades.
J’affirme : cet endroit est magnifique.
Nous replions notre bivouac et dégustons un petit dej improvisé.
A 10 h nous sommes encore à coté de la fontaine de l’auberge. Nous avons du mal à partir de cet endroit. Je chante une dernière fois dans l’église, pour ma plus grande joie et aussi celle des pèlerins qui sont arrivés ce matin.
Voilà le camino se termine. Flavio et Rosa me quittent pour prendre le bus et rejoindre le groupe dans la ville suivante.
Merci

A vous mes amis, que le bonheur éclaire vos pas !